À l’orée d’un bois, au centre obscur, à la lisière encore vive des soubresauts du jour, dans les halliers dont la nuit imbibait la tissure, je me suis enfoncé, pressentant le danger d’un seul homme. Ces ronces, je les avais ensemencées, puis les avais nourries ; j’en porte comme les ombres à coucher. – Et qui de loin ne sourit de me voir porter le deuil à l'orée du printemps ? – J'admets le deuil, mais le deuil de qui ? – Et qui s'aperçoit de mon absence ? Ce que je manque m'a échappé et remplit désormais mon jour d'idiotie silencieuse. Chien jeune à l'écart de ses proches, posé caché défait à l'insu de mes loups fabriqués de sureau, je ne sais qu'inventer. Sinon ce vide comble sur lequel je souffle comme pour jeter du lest : je n’ai plus rien à dire de ma flûte. Pour autant avoir prononcé quelque chose bien avant la forêt. Je m’étais absenté de la clarté, de l’effervescence et du jeu, et je ne faisais plus, et je ne mentais plus, et je n’attendais plus. Mais remontaient du fond des bois de minuscules secrets, munitions minutieuses dont les mots ravivaient l'empreinte des coups sur l'ordonnance des soins. – Que de l'éponge de la forêt je me retire ?! Ou que de ma cloche de verre s'approchent les hiboux lire le secret de mes épines ! Ce secret, je ne le cache plus puisque je le porte pour ainsi dire aux bouts des doigts, à même l’œil, lorsqu'il est toute ma peau tendue au vent de la futaie ; la chair retournée tel un gant a séché, et de la rumeur elle attend les résonances d’un contact nouveau, le contact lumineux du départ qui viendra, et qui vient, et qui ne viendra pas. À l’orée d’un bois, au centre obscur, à la lisière encore vive des soubresauts du jour, sur le bord de la nuit donc, je m’en suis détourné pour regagner le clair, la clarté des prochains. M'étais-je laissé croire à la diminution – ma résorption et l’infécondité ? lorsque sous de longues années d’enfouissement s'accomplissait mon mûrissement sans moi ; s'était affûtée, incisée, prolongée la question dans l'écorce – tant d'entailles au canif à chaque fin et à chaque commencement ! – bien que dans le fond où le langage ne pourrait voir le jour, l’hésitation persiste devant notre incontestable souveraineté de ne jamais laisser quelque stigmate qui ne trahisse – quoi ? … et de qui ? — Que faire en somme ? Sinon reprendre, reprendre encore, comme de bien entendu. Adieu bois et secrets, rebords et précisions sans noms – séjourne tout délai – et santé dans le texte, voilà !